Bernard PLOSSU « Promenades varoises, de Toulon au Lavandou »
SOUVENIRS VAROIS
Bernard Plossu
Les lumières et les odeurs du sud de la France, ce qu’on appelle souvent “le Midi”, ma mère me les fit connaître quand j’étais tout petit, habitant un an à Juan-les-Pins, et je me souviens encore de l’odeur des plages d’algues, et des pins, et de la chaleur, le tout dans une végétation luxuriante. Puis nous partîmes vivre en ville, là-haut. Je ne retrouverais toutes ces sensations que bien plus tard, en 1963, où ma copine Michèle Honnorat m’emmena dans l’île de Porquerolles, dans le… Var ! La chance !
Dans mon vieux Larousse des années 50, je regarde à “Var” : “Département formé de portions de la Provence. Préfecture Draguignan, sous-préfecture Toulon, etc. (377 100 habitants !)” Il a bien grandi, ce paradis varois, en nombre d’habitants en un bon demi-siècle ! Et Toulon est devenue préfecture.
Après avoir vécu longtemps ailleurs, des hauts-plateaux du Nouveau Mexique à la côte d’Alméria en Espagne, il fallait trouver un ancrage familial : ce fut La Ciotat, où nous nous installâmes Françoise, les enfants et moi en 1991. De là, je travaillai beaucoup sur Marseille, Aix-en-Provence et la Sainte-Victoire, aimant passionnément les peintres Derain, Soutine, Bonnard, Chabaud et Braque qui peignit la Calanque de Figuerolles en 1906. Des magiciens !
Mais, auparavant, retour dans le Var : voyage de noces avec Françoise durant l’hiver 1986 dans l’île de Port-Cros, à Noël, presque personne, splendide, humide, une Bretagne méditerranéenne parfaite pour célébrer la paix de l’amour.
Ceci dit, fréquentes furent les visites à Porquerolles pendant les années 70, retrouvant Bernard Genevet et sa maman Anaïs, vraie famille varoise, Martin Dieterle et ses merveilleux petits tableaux de l’île, Alain Le Saux avec qui je marchais, Bernard Pesce alors tout jeune. Pas de bateau, l’île à pied, la vraie : un des bonheurs du Var justement, ce sont les odeurs. Dans ces îles, leur condensé est paradisiaque ! D’ailleurs à un moment, j’avais même rêvé d’y vivre pour de bon, mais bon… le destin est le seul guide.
Une fois installé à La Ciotat, une ville formidable, nombreuses furent les incursions dans le Var, travaillant pour plein de projets sur Hyères, engagé par François Carrassan. Que de souvenirs de l’évolution des travaux de la Villa Noailles, guidé par Carrassan et par Jean-Pierre Blanc, de pièce en pièce, de couloir en couloir, de terrasse en terrasse.
“J’IRAI MARCHER PAR CHEZ TOI”
Raphaël Dupouy
Lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts de Saint-Étienne, la découverte des images de Bernard Plossu fut pour moi, comme pour beaucoup de photographes, un formidable choc. Soudainement une autre façon de photographier si loin de nos clichés habituels, un autre univers plastique entre modernité et poésie, une photographie métaphysique voulant montrer au-delà du réel, un vaste espace de liberté visuelle, s’offraient à nous. Plossu incitait à se méfier de la belle image, à chercher plutôt l’image forte. À l’instinct. Son regard allait faire et fait encore – de nombreux émules. Bien des années plus tard, la vie me réserva la surprise de le croiser et, au fil de nos rencontres, peu à peu, Bernard devint un ami. Aujourd’hui, c’est donc en ami que “Plo” expose à la Villa Théo, non loin de la plage de Saint-Clair qu’il aime tant.
Il m’a fallu aller lui acheter une dizaine de pellicules. “Prends ce que tu trouves, m’avait-il dit. HP5 ou Tri X.” Nous étions au coeur de l’automne, peu avant un week-end, et je doutais fort de mettre la main sur les rouleaux de pellicule argentique souhaités par l’artiste. Par bonheur, la boutique photo locale put les obtenir rapidement et fournir ces munitions à ce cueilleur d’images dont j’espérais la venue sur mon territoire du Lavandou depuis tant d’années. Nous avions bien déjà organisé en 2012 des projections de films sur lui ou de lui1, mais cela n’avait duré qu’un week-end ; premier contact en revanche pour Plossu avec l’ancien village de pêcheurs et l’occasion d’y faire quelques images. Puis le temps a passé. À chaque rencontre, nous en reparlions. “Un jour, j’irai marcher par chez toi !” avait-il même promis.
Promesse a donc été tenue. Non pas sous la forme d’une longue marche solitaire sur des chemins escarpés mais lors de balades amicales, les 26 et 27 octobre 2019, à la découverte des différents aspects du Lavandou : vieux village, plages, route des crêtes, vue sur la mer du balcon de son hôtel, arbres au bord des routes, port, etc. À lui faire visiter ma ville et marcher à ses côtés, ces deux jours furent à la fois intenses et merveilleux. Alternant deux attitudes – aller chercher la photo ou la laisser venir à lui – l’artiste regardait le monde comme un poète surréaliste, se laissait conduire à travers Le Lavandou. Au bout des dix rouleaux, je ramenai l’artiste – le regard un peu épuisé mais l’esprit enthousiaste – prendre son train à la gare de Toulon.
Cet enthousiasme ne se démentit pas à l’issue du développement des négatifs puisque quelques jours après ce “merveilleux week-end”, Bernard Plossu m’écrivait : “Au Lavandou, j’ai trouvé une douceur de la lumière ! D’habitude, les coins ensoleillés sont assez agressifs aux yeux, avec trop de teinte violette ! J’ai toujours, par exemple, préféré les paysages du Nord nuageux aux paysages du Luberon ; mais là, ces journées passées à essayer de voir et sentir Le Lavandou m’ont apporté une douce paix propice à la photographie.” Et il concluait : “Merci, c’était génial ! J’adore votre Lavandou des peintres et de l’amitié !”